Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 décembre 2007 1 10 /12 /décembre /2007 09:18
"Les Japonais sont Japonais parce qu'ils parlent japonais. Mes recherches suggèrent que la langue japonaise façonne le mode de fonctionnement du cerveau japonais qui, en retour, sous-tend la formation de la culture japonaise."

 ‘Le cerveau des Japonais’ - Dr Tsunoda

« Depuis la nuit des temps, les lésions constatées chez certains malades ont permis de localiser dans l’hémisphère gauche les activités neuronales liées au langage. Plus généralement, cet hémisphère est responsable de la pensée logique, tandis que le droit est lié aux fonctions non verbales. Un chercheur japonais, Tadanobu Tsunoda a imaginé un dispositif permettant de déceler si un son défini est traité par tel ou tel hémisphère. Il a constaté chez ses compatriotes que tous les sons du langage, voyelles comme consonnes étaient traitées par le gauche, alors que les sons mécaniques l’étaient par le droit. Mais, lorsqu’il soumit à son test des étrangers, qu’ils aient été français, chinois ou américains, le constat était différent : pour eux, seuls les sons consonnes sont traités à gauches, les voyelles le sont à droite, dans le même hémisphère que pour les sons mécaniques.
            La première hypothèse a été que les japonais possèdent un gène spécifique responsable de cette localisation qui les distingue du reste des humains (à la seule exception connue d’une tribu polynésienne). Mais l’examen d’enfants japonais a montré qu’en réalité cette localisation est acquise. Elle dépend de la langue entendue au cours des premières années. Or, la langue japonaise est de loin celle qui fait la place la plus large aux voyelles : nombreux sont les mots de structure voyelle- consonne- voyelle (VCV), alors que dans les langues occidentales la structure (CVC) est la plus fréquente.
La structure de la langue influence donc la façon dont notre cerveau réagit face à l’ensemble des bruits entendus dans la nature. Le bruissement du vent, le clapotis de l’eau, le gazouillis des oiseaux ont une structure sonore semblable à celle des voyelles ; ils sont traités par les japonais dans leur hémisphère gauche, par les autres peuples dans le droit ; ces sons ont, dans notre expérience vécue, été liés à des émotions. C’est finalement le lien entre le développement intellectuel et l’affectivité qui est modulé par la langue maternelle.
Il ne s’agit là que d’un domaine bien limité de l’activité intellectuelle, mais cet exemple éclaire la difficulté des problèmes concernant l’inné et l’acquis. Certes, les aires cérébrales liées au langage sont définies par le patrimoine génétique, elles sont innées. Mais leur affectation précise à telle ou telle caractéristique de ce langage est acquise. Or cette affectation peut, si les observations de Tsunoda sont confirmées, conditionner de multiples aspects de notre personnalité. »
 
Extrait de « L’équation du nénuphar », d’Albert Jacquard
 
Partager cet article
Repost0

commentaires