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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 07:34

 

"Ingénieure de haut niveau, installée depuis une bonne dizaine d'années au Canada, célibataire, Audrey (Marina Hands) rentre chez ses parents, à Arcachon. Enceinte depuis peu, déboussolée par la nouvelle, elle vient, consciemment ou non, se confronter à son histoire familiale. Plus précisément, c'est à un curieux mal qu'elle va avoir affaire, un mal qui ronge le lien maternel depuis que sa grand-mère, Louise, a disparu un beau matin, laissant à leur père la garde de ses deux enfants. Martine, la mère d'Audrey (interprétée ici par Catherine Deneuve), a bien élevé sa fille elle, mais sans jamais pouvoir réellement lui témoigner son affection. Quant à Audrey, cette histoire lui avait plutôt enlevé l'envie d'enfanter à son tour. La voici donc forcée de se poser la question.

Mères et filles pourrait n'être qu'un film de famille de plus dans la cartographie du cinéma français qui n'en manque pas. Le point de départ de l'enquête d'Audrey fait même un peu peur, tant il ressemble à un truc de scénario usé jusqu'à la corde : alors qu'elle décide de s'installer dans la maison de son grand-père, à l'abandon depuis la mort de celui-ci, elle trouve, derrière un meuble, un vieux livre de recettes ayant appartenu à Louise, qui lui servait aussi de journal intime. Dans ces pages où elle se jette aussitôt, la jeune femme découvre une personnalité riche, complexe, tendre, mélancolique. Assignée contre son gré à résidence, forcée par son mari de tenir son rôle de jolie poupée bien habillée dans sa jolie maison, Louise a vu se briser, avant de disparaître, chacun des rêves d'émancipation qu'elle a pu formuler pour elle-même.

Parfum suranné

A l'abstraite figure de mère indigne à laquelle sa propre mère, Martine, l'a toujours réduite, se substitue d'un coup pour Audrey un individu à part entière, en proie à une grande souffrance, une sorte d'héroïne féministe avant la lettre. Obsédée par cette aïeule biffée de la mémoire familiale, Audrey veut à tout prix réhabiliter sa mémoire. Elle se lance alors dans une sorte d'enquête destinée à combler les lacunes de son journal et à éclaircir le mystère qu'il recèle : alors que l'on comprend que la misère existentielle de Louise n'avait d'égal que son amour pour ses enfants, pourquoi n'est-elle jamais revenue les chercher ?

La première bonne idée de ce film extrêmement écrit tient à la manière dont la réalisatrice, Julie Lopes-Curval (auteur du remarqué Bord de mer, caméra d'or à Cannes en 2002), casse le naturalisme de son récit en introduisant une série de flash-back imaginaires, les moments de la vie de Louise tels que se les représente Audrey... Sous les traits de Marie-Josée Croze, Louise surgit à diverses reprises dans le même espace que sa petite-fille, dans ses habits des années 1950, puis dans des scènes d'époque reconstituées dont le charmant parfum suranné prend progressivement une odeur de soufre.

La seconde bonne idée est simplement son sujet. Car derrière cette histoire de lignée, c'est l'évolution de la condition des femmes au XXe siècle qui se déploie, et la manière dont la violence subie s'est transmise de génération en génération. De ce point de vue, et même s'il peut sembler trop scénarisé, le dénouement invraisemblable n'est pas absurde. Et la manière dont la réalisatrice chemine pour y parvenir, soutenue par trois formidables actrices, est particulièrement émouvante et juste."

 

Le Monde


"Mères et Filles"

 

 

Film français de Julie Lopez-Curval avec Catherine Deneuve, marina Hands et marie Josée Croze (1 h 45)

 


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